The Night They Raided Minsky’s

thenightminskyFilm musical américain (1968) de William Friedkin, avec Britt Ekland, Jason Robards, Norman Wisdom, Denholm Elliott, Elliott Gould, Harry Andrews et Bert Lahr – 1h39.

Ayant fuguée de sa communauté amish, Rachel débarque à New York pour réaliser son rêve de devenir danseuse. Elle frappe à la porte du Minsky’s, un cabaret burlesque sous surveillance de la Répression du Vice.

The Night They Raided Minsky’s revient sur les origines d’une pratique sulfureuse qui marquera aussi bien le spectacle vivant que le Septième Art : le Strip-tease. Inspiré des revues françaises du Moulin Rouge et des Folies Bergères, celui-ci est importé aux Etats-Unis par les frères Minsky qui l’agrémentent d’une gestuelle encore plus ouvertement érotique et du fameux nu intégral qui fit sa gloire. Dans le film, c’est Elliott Gould qui incarne Billy Minsky, gérant du cabaret bataillant avec son propriétaire de père. Si la fameuse décente du titre s’inspire de véritables événements ayant eu lieu en avril 1925, Mademoiselle Fifi, en réalité Mary Dawson, fille de Quaker, prend ici les traits de l’innocente amish Rachel (du nom de l’héroïne de la nouvelle Mademoiselle Fifi de Maupassant). Celle qui est encore à l’époque la femme de Peter Sellers, la ravissante Britt Ekland, se glisse dans le rôle de l’ingénue pour notre plus grand plaisir. En effet, le mannequin suédois est aussi une véritable actrice culte pour avoir été James Bond girl dans L’Homme au pistolet d’or, la copine du Jack Carter dans La Loi du milieu mais surtout l’inoubliable Willow de The Wicker Man, film pour lequel elle dansera à nouveau nue (au grand dam de Rod Stewart, son compagnon d’alors).

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Rachel (la divine Britt Ekland) à quelques bouts de tissu de marquer l’Histoire…

Afin d’accompagner son entrée dans le monde haut en couleur du cabaret, Rachel peut compter sur Chick et Raymond, campés respectivement par le so burlesque Norman Wisdom et par Jason Robards, s’apprêtant à se glisser dans le mythique cache poussière du Cheyenne d’Il était une fois dans l’Ouest. Evidemment, un triangle amoureux se forme pour vite tourner en la faveur du gouailleur Raymond qui, finissant par vouloir détourner l’innocente danseuse biblique de la perversion la pousse au contraire à se lancer sur scène pour un effeuillage qui vire, malgré elle, au scandaleux et révolutionnaire nu intégral.

Précédant les films de George Roy Hill (Butch Cassidy et and the Sundance Kid et L’Arnaque), The Night They Raided Minsky’s dépeint l’Amérique de la prohibition, pas encore frappée par la grande dépression, avec une certaine nostalgie, notamment via un jeu sur les teintes d’images en sépia et plus généralement une reconstitution impeccable. Cette tonalité reste rare chez Friedkin, dont la filmographie se portera essentiellement sur des histoires contemporaines, mais qu’on retrouve dans The Brink’s Job (ou, sous son croquignolesque titre français Têtes vides cherchent coffres pleins), avec Peter Falk et Warren Oates, se déroulant dans le New York des années 50.

Avec The Night They Raided Minsky’s, le cinéaste nous laisse déjà entrevoir son incroyable énergie, son goût pour une caméra portée immersive et sa mise en scène enlevée se révèle aussi burlesque que son sujet, notamment par de surprenantes transitions en coup de zoom. On pense également à une amusante scène tout droit sortie d’un vaudeville, Jason Robards finissant carrément dans le placard, où un lit escamotable vient symboliser la permission divine pour les plaisirs de la chair. Ce lit peut évidemment être vu comme un adieu au code Hays, cette fameuse censure hollywoodienne appliquée quelques années après les événements décrits dans le film mais qui, à sa sortie en 1968, vient de laisser place à la classification par âge de la MPAA créée par Jack Valenti et toujours appliquée aujourd’hui.

Qu’on ne s’y trompe pas, si le franc-tireur Friedkin semble ici plutôt sage, il ne se prive pas pour autant de ridiculiser le puritanisme américain et la censure qui en découle, personnifiée par Denholm Elliott (le Marcus Brody d’Indiana Jones). Celle-ci, comme la prohibition, s’avère assez vaine et le gros bordel final de la décente de flics a surtout pour effet d’alimenter le scandale et starifier Rachel, émancipée mais pourtant complètement dépassée par la tournure de son numéro. Loin de cette agitation et d’un spectacle qui sort vite des murs du Minsky’s, Friedkin opte pour une conclusion plus tendre (si si) mais triste où le Professeur, incarné par le Lion du Magicien d’Oz Bert Lahr, personnage qui demande depuis le début du film à participer au show, foule enfin les planches, sur une scène dévastée dans une salle déserte, pour simplement redresser un accessoire clé du burlesque mais condamné à la désuétude : le vaporisateur avec lequel les personnages ont pu joyeusement s’arroser.

CLÉMENT MARIE

Autres films de Williams Friedkin sur le Super Marie Blog : Le Convoi de la peur (1977) ; Police Fédérale Los Angeles (1985) ; Bug (2006) ; The Devil and Father Amorth (2018)


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