First Man : le premier homme sur la lune

mv5bn2y1nzvjodutn2yzyy00zwziltg4oditzjzkzda0zgq3odeyxkeyxkfqcgdeqxvyntc5otmwotq-_v1_sy1000_cr007371000_al_First Man Biopic américain (2018) de Damien Chazelle, avec Ryan Gosling, Claire Foy, Jason Clarke, Kyle Chandler, Corey Stoll, Patrick Fugit, Christopher Abbott, Ciaran Hinds, Shea Whigham et Lukas Haas – 2h21

Après la mort de sa très jeune fille, le pilote et ingénieur Neil Armstrong rejoint la NASA pour participer aux projets Gemini et Apollo visant à aller sur la lune…

Si on nous avait dit que Damien Chazelle ferait un biopic sur un Armstrong, vu ses films précédents, on se serait attendu à ce que ce soit sur Louis. Raté, c’est bien sur Neil, premier homme sur la lune comme l’indique le sous-titre au cas où on serait vraiment trop con, que Chazelle a consacré son nouveau film, First Man. Biopic écrit par Josh Singer (SpotlightPentagon Papers) et un temps confié à Clint Eastwood, qui n’a pas dû voir l’intérêt de faire une version sérieuse de son Space Cowboys. On a donc refilé le projet au réalisateur de Whiplash qui a quand même pris le temps de tourner d’abord La La Land, film de la discorde sur le Super Marie Blog (pour et contre). La comédie musicale de Chazelle lui permet de trouver sa star Ryan Gosling, de choper son Oscar et de faire un triomphe qu’on voyait déjà reconduit sur First Man. Sauf que le film de conquête spatiale prend du plomb dans l’aile : après avoir fait l’ouverture du festival de Venise dont il repart bredouille, le film se coltine une mini-polémique parce qu’il ne consacre aucun plan au plantage du drapeau américain sur le sol lunaire. Ça peut paraître anodin et pourtant, ça expliquerait les scores décevants de First Man au box-office US, suivis de résultats pas plus brillants chez nous.

En même temps, une fois vérification faite en salle, First Man s’avère être un film aussi intransigeant et rude que les précédents opus de Damien Chazelle. Après avoir inculqué du jazz façon Full Metal Jacket dans Whisplash, après avoir fracassé la flamboyance de la comédie musicale sur une douloureuse impossibilité amoureuse dans La La Land, Chazelle nous parle d’un héros de l’humanité triste comme une pierre après le décès de sa fillette dès les premières minutes du film. Le film d’exploration spatiale s’enrobe d’un voile funeste inattendu, avec un pionnier adoptant les traits d’un Ryan Gosling toujours aussi brillamment impassible. Chazelle s’est si bien approprié Armstrong qu’il en a fait un de ses héros typiques : un type dont la passion devient la malédiction, dont l’exigence le coupe de tout environnement, y compris et en particulier familial. Sombre héros de l’espace donc, sauf que le portrait s’avère ressemblant (selon les fils Armstrong en tous cas). Le premier homme sur la lune semblait bien être ce pilote obsessionnel, au sein d’une NASA dont les agents tombaient comme des mouches puisque la sécurité importait moins que la supériorité sur les russes. Un course à l’espace plutôt bien raconté par First Man, même s’il aurait toutefois gagné à être plus resserré. Les épisodes familiaux, vaguement malickiens, sont finalement assez anecdotiques, malgré les efforts de Claire Foy pour compenser la froideur de son mari. Mais encore une fois avec Chazelle, on ne peut nier qu’il y en a du beau cinéma dans son film.

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Neil Armstrong (Ryan Gosling), les yeux obstinément rivés sur l’objectif.

Aussi austère et inégal soit cet énième biopic, il faut bien avouer qu’il a au moins un vrai point de vue sur ce qu’il raconte et que bien des images et des sons resteront dans nos mémoires (récemment, on ne pouvait absolument pas en dire autant de Bohemian Rhapsody…). En voici une liste : le score sublime de Justin Hurwitz, rivalisant easy avec celui de Hans Zimmer pour Interstellar ; la claustrophobie ressentie dans les cockpits rudimentaires et la compression des explosions qui peuvent s’y produire ; les grincements métalliques des carlingues qui résonnent encore dans nos esprits bien après la séance ; le regard de Gosling obstinément levé vers le ciel et dans lequel s’ancre le nôtre au milieu du tumulte du décollage… Chazelle sait y faire, troquant le L.A. coloré et faussement romantique de La La Land contre l’approche quasi-documentaire de First Man, enfermant ses pilotes entre quatre plaques de lourd métal pour aller sur un horizon sec et noir et blanc. Le film se veut tangible, sensitif, et pour s’en assurer insiste sur le grain de sa pellicule, sur la nature argentique de son image renvoyant à la technologie encore rustre et reconstituée en dur de ces pionniers de l’espace. Certains pourraient y revoir un point de vue un brin réac, genre « c’était mieux avant », de la part de Chazelle mais qu’importe, le jeune réalisateur a réussi sa première exploration hors du terrain du film musical.

BASTIEN MARIE


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